Wednesday, May 08, 2019

Incipits finissants (76)

Étant un bon élève, j'ai appris qu'il vaut mieux être édité à compte d'éditeur plutôt qu'à compte d'auteur, voire, même, que de pratiquer l'auto-édition.

En effet, je ne suis pas sans savoir que dans une fausse édition, tous les frais sont pour ma pomme, y compris le salaire de l'éditeur. Alors que dans une vraie édition, je touche des droits d'auteur. Non ! J'rigole !

Étant bien élevé, je me disais donc, qu'à travers la publication d'une revue et de livres de poésie, je pouvais mettre en avant les textes d'autres personnes avant les miens.
Ainsi, je jonglais entre les identités d'auteur et d'éditeur, planquant l'auteur derrière l'éditeur.

C'était jusqu'au jour où, désirant participer à un salon du livre, il me fut répondu qu'il fallait que je sois Dieu l'auteur, et, en aucun cas, la petite main de l'éditeur. Ce qui ne me posait pas de problème, puisque, par chance, j'étais également édité par d'autres personnes.

Mais non, ce n'était pas la bonne méthode. Tout cela était trop compliqué. Je devais être auteur à n'importe quel prix. Même en auto-édition, même à compte d'auteur. La condition essentielle était que je sois du coin, car cela me permettrait de ne pas être absent, et surtout, de me déplacer sans frais, ou presque.

J'entends encore l’organisateur me dire : si vous vendez vos propres livres, c'est tout bénéf. Tandis que si vous êtes éditeur, vous allez vendre des textes de personnes qui ne sont pas là. Si ça se trouve, ces gens-là n'existent pas. Carrément nul ! Sinon, trouvez-moi un auteur à éditer qui vive dans un rayon de cinquante kilomètres.

- Tout de même, les textes de celles et ceux que j'édite ont un contenu. C'est pas n'importe quoi, enfin, je pense.
- Mais non, voyons, c'est votre gueule ou celle de votre auteur qui compte. Même pas connue, elle est mise à prix dans un salon. Vous êtes des singes dans leur cage qui valez de l'or. Encore que, dans votre cas, vos gueules sont juste cotées cinquante Euros par jour. Ce qui est toujours mieux que rien.

Depuis, étant passé de la déférence à l'expérience, j'ai fait éditer par un pote d'ici mes mémoires d'orang-outang, avant de pouvoir participer au festival des Rillettes de Lascaux. Et l'année prochaine, on inversera les rôles et les chaises, histoire de prouver que nos visages se vendent mieux que nos livres.           

P.M.

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